Léon Sors était le fils de Jean, receveur des hospices, et de son épouse Joséphine Curel âgés respectivement
de cinquante et de quarante-deux ans en 1895. Ils étaient domiciliés en plein centre-ville, 27 rue Mailly. C’était
le onzième enfant d’une nombreuse fratrie.
Léon Sors présenta le concours d’entrée à l’École normale de Perpignan. Il y commença ses études d’élève-maître le 1er octobre 1911 et les poursuivit jusqu’au 30 septembre 1914. Il obtint le brevet supérieur en 1913, le
certificat de fin d’études normales en juillet 1914 et le certificat d’aptitude pédagogique en 1918 seulement car
entre temps sa carrière fut interrompue par sa participation à la Première Guerre mondiale. Le 18 octobre 1918,
dans une note à l’inspecteur d’académie des Pyrénées-Orientales, le directeur de l’école normale de Perpignan
faisant un bilan de sa scolarité dans cet établissement estimait que Sors était doté d’un « esprit ne manquant pas
d’intelligence, mais peu travailleur » et qu’il « occupait dans sa promotion un rang tout à fait ordinaire. (…)
Comme zèle, il était au-dessous de la moyenne, son caractère était difficile et ne se soumettait souvent au
règlement intérieur que contraint et forcé ». Ce portrait, remontant à son adolescence, notait des traits de
caractère qui se manifesteraient à plusieurs moments de son existence.
À sa sortie de l’école normale, il fut nommé le 1er octobre 1914 instituteur intérimaire à Thuir (Pyrénées-Orientales). Devant être mobilisé, il quitta ses fonctions le 30 novembre 1919. Incorporé le 19 décembre 1914
au 53e régiment d’Infanterie (RI), unité stationnée en temps de paix dans les Pyrénées-Orientales, il fut promu
aspirant le 15 avril 1915. Muté au 80e RI, unité « narbonnaise », le 20 avril 1915, puis le 12 mai 1915 au 280e
RI formé à partir du 80e, il fut promu sous-lieutenant sur le champ de bataille le 15 septembre 1915. Le 3
octobre 1915, lors de l’offensive d’automne en Artois, il s’illustra dans un combat à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) — décrit par le caporal Louis Barthas* qui appartenait au même régiment — où il « s’est employé avec beaucoup d’activité et d’intelligence à l’organisation d’une tranchée récemment conquise », ce qui lui
valut une citation à l’ordre de la 131e brigade le 25 octobre 1916 (sic dans le registre matricule, fiche de Léon
Sors : 1915 ?) et d’être décoré de la croix de guerre. Il fut grièvement blessé pendant ce combat par un éclat
d’obus qui causa des dommages irréversibles aux deux membres inférieurs et au bras droit. Évacué blessé, il
demeura au dépôt de Montpellier (Hérault) jusqu’au 19 avril 1917 où il fut affecté à la commission de réception
des couvertures au magasin régional. En octobre 1917, il fut affecté, dans le cadre du 80e RI, à Arles-sur-Tech
(Pyrénées-Orientales) au commandement du sous-secteur de la surveillance de la zone frontalière de la haute
vallée du Tech. Il convient de noter que la frontière franco-espagnole était étroitement surveillée car franchieà la fois par les insoumis et déserteurs, les prisonniers des armées des empires centraux évadés de leurs camps en
France et les agents des services secrets de ces puissances. En congé de convalescence à Toulon, il fut
démobilisé le 20 septembre 1919 à Perpignan. Réformé temporaire le 1er juin 1920 par la commission de
réforme de Béziers (Hérault) pour cicatrice au pied droit et à l’avant-bras droit », « cicatrice au mollet gauche» et « bronchite ancienne imputable », il reçut une pension d’invalidité pour mutilation à 20 %.
Léon Sors se maria le 5 août 1919 à Toulon (Var) avec Marthe, Élise, Flavienne Piard. Celle-ci était la fille
d’un mécanicien de 1e classe de la Marine de guerre. Celui-ci qui avait fait valoir ses droits à une pension, avait
perdu sa femme dans la première semaine de juillet. Le jeune couple s’engagea à le prendre avec lui dans son
logement. Pour ce motif, Sors qui était en congé de convalescence à Toulon et sachant qu’il allait être
démobilisé avait demandé à l’inspecteur d’académie de Perpignan sa réintégration dans le cadre du corps des
instituteurs de son département. De son mariage avec Marthe Piard, Léon Sors eut quatre enfants : Germaine née le 14 juin 1920à Saint-Laurent-de-la-Salanque, Jean-Louis né le 12 mars 1924 à Bourg-Madame, Gabriel né le 11 octobre 1925 à Bourg-Madame, Hélène née le 25 juillet 1927 à Bourg-Madame. Ses enfants furent de « bons élèves ». En 1941,
Germaine était institutrice intérimaire dans la Seine-et-Oise ; Jean-Louis, poursuivait des études de
mathématiques supérieures au lycée de Montpellier ; Gabriel était élève au collège de garçons de Perpignan ;
Hélène était considérée comme une « bonne élève » d’une classe de 4e du collège de jeunes filles de Perpignan.
Ses anciens collègues le décrivent un « monsieur très bien » (Aimé Delmas*), « très strict » (Lucette Justafré*), à la « conscience professionnelle hors du commun » et aux « principes familiaux extrêmement rigides » (Aimé Delmas*). Auparavant, alors qu’il était à Arles-sur-Tech affecté à la surveillance de la frontière du Vallespir, il avait
sollicité, dans la perspective de son retour à la vie civile une affectation dans une EPS ou une école normale.
Désireux de préparer le professorat secondaire, il saisit l’inspecteur d’académie (IA). Mais le directeur de
l’école normale, consulté, s’opposa à cette demande (lettre à l’IA, 18 octobre 1918). Celui-ci reconnaissait des
qualités intellectuelles et son comportement au feu pendant la Grande guerre et était disposé à appuyer sa
requête. Sors argumenta encore dans une lettre à l’IA (13 décembre 1918) en faisant valoir qu’un poste dans un
village ne faciliterait pas son projet professionnel. De toute façon sa demande fut rejetée. Le 9 août 1919, il fut
délégué instituteur stagiaire à Saint-Laurent-de-la-Salanque (Pyrénées-Orientales) à compter du 1er octobre.
Mais, afin de résoudre ses problèmes familiaux, il demanda un congé de deux mois, à compter du jour de sa
démobilisation. Il fut donc installé comme titulaire à Saint-Laurent-de-la Salanque, bourg maritime et viticole
du nord-est du département le 19 novembre 1919. Le 3 août 1922, il fut installé à Bourg-Madame, en Cerdagne, à l’autre extrémité du département. Il demeura six ans dans cette localité montagnarde, à la proximité immédiate de la frontière espagnole. Le 1er octobre 1928, il prenait ses fonctions d’instituteur adjoint à l’école
Pasteur, au centre de Perpignan, puis le 1er octobre 1930, il fut muté à l’école annexe à l’école normale de
garçons de Perpignan où on lui confia le cours préparatoire. Il conserva ce poste jusqu’à sa mutation d’officeà Nîmes (Gard) décidée le 9 septembre 1940 par le secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse. Dans
un rapport en date du 2 septembre 1940, l’IA avait en effet suggéré sa mutation dans une ville d’un département
non limitrophe des Pyrénées-Orientales. Ses fonctions de secrétaire départemental du SNI, de conseiller
départemental, son influence sur le personnel enseignant, sa campagne contre l’IA Ferrère en 1936 — en 1941,
ce dernier, devenu entre-temps IA de l’Isère ; n’avait toujours « digéré » la vigueur des attaques de Léon Sors —, sa participation à la grève générale du 30 novembre 1938 dans l’organisation de laquelle il s’impliqua furent
les principaux motifs de cette décision. À Nîmes, Sors fut installé dans son nouveau poste le 4 octobre 1940,
d’abord à titre provisoire, puis à titre définitif à l’école de la Croix de fer dans un quartier populaire du nord de
la ville. D’abord instituteur adjoint, il fut nommé directeur à titre provisoire, toujours à la Croix de fer, le 27
octobre 1943. Il fut ensuite nommé à titre définitif. Il n’attendit pas l’exeat de l’IA du Gard (27 octobre 1944)
pour retrouver, le 1er octobre, son poste d’adjoint à l’école annexe de l’école normale de Perpignan. Le 1er
octobre 1945, il devint directeur de l’école annexe, poste qu’il conserva jusqu’à son décès prématuré.
La carrière d’instituteur de Léon Sors fut particulièrement brillante. S’il ne put accéder à l’enseignement
secondaire comme il le souhaita à plusieurs reprises, il accéda, après moins de dix ans de carrière après sa
stagiarisation, à un poste de prestige à l’école annexe de l’école normale de garçons de Perpignan. De 1934à 1940, il formula de façon réitérée des voeux afin d’obtenir une direction d’école annexe dans une ville de faculté du Midi, Montpellier ou Toulouse en premier lieu, ceci pour faciliter les études secondaires et supérieures de
ses enfants. L’IA de Perpignan reconnaissait, le 27 janvier 1937, qu’il pourrait être un bon directeur d’école
annexe « s’il peut s’astreindre à se consacrer exclusivement à son école ». Son engagement syndical et politique
fort fut en effet un argument pour ne pas donner suite à cette demande et ceci bien que le rapport d’un
inspecteur général du 19 novembre 1938 l’ait reconnu apte à la direction d’une école annexe. Ses rapports avec
les directeurs successifs de l’école annexe, Pierre Gineste* — un militant socialiste et syndicaliste chevronné
— puis Jacques Ruffiandis — un homme de droite, qui devint secrétaire départemental de la Légion des
combattants sous Vichy— furent exécrables. Avec ce dernier, il « s’était toujours montré enclin à la discution
(sic), chicanier et processif » (rapport du de l’IA au secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse, 2
septembre 1940).
Dès le début, ses rapports d’inspection furent élogieux, soulignant sa maitrise de la pédagogie et sa culture,
vantant ses rapports avec ses élèves. Les notes attribuées par les inspecteurs primaires successifs furent
excellentes. Deux de ses collègues, interrogés beaucoup plus tard, s’accordaient pour reconnaître ses qualités
professionnelles (il avait « une conscience professionnelle hors du commun », Aimé Delmas*, 23 mars 1983 ; « consciencieux, honnête, intelligent », Lucette Justafré*, 3 octobre 1983). Robert Marty* qui fut son élèveà l’école annexe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale estime que Sors était « un maître d’élite ».
Nous ignorons quand Léon Sors commença à militer, aussi bien dans les rangs d’un parti que dans le
mouvement syndical. D’après Marcel Mayneris* instituteur et militant en vue de la SFIO avant 1940, Léon
Sors fut, dans un premier temps, d’opinion radicale-socialiste. Ce fut Isidore Forgas* dont il était l’ami qui
l’amena à adhérer à la SFIO en 1935 ou, au plus tard en 1936, à une époque où il était déjà très engagé au plan
syndical et dans les instances départementales du Rassemblement populaire. Militant socialiste SFIO, Léon
Sors fut, en 1936 et en 1937, secrétaire du comité départemental du Front populaire. Militant de la Gauche
révolutionnaire dès 1936, il prit une attitude de plus en plus critique vis-à-vis du Front populaire.
La guerre civile espagnole le concerna au premier chef. En juillet 1935, il passait ses vacances en famille
dans le petit port ampourdanais de Llançà (tout près de la frontière avec les Pyrénées-Orientales) lorsque le
conflit éclata. Il revint aussitôt à Perpignan et fut dès l’été de 1936 un des membres du comité perpignanais du « Continental-Bar » créé par les pivertistes catalans dans le but d’aider la révolution espagnole (Voir aussi
Baudru Laurent*) et d’établir des relations suivies avec le POUM. Il était présent lorsque Maurice Jaquier*, de
la GR, délégué national du Front populaire, rencontra à Perpignan les militants du « comité du Continental-bar » (sans doute en août 1936). Sors participa activement aux actions, souvent clandestines, entreprises par ce
comité qui aida non seulement le POUM mais aussi la CNT. Avec Maurice Jaquier* et d’autres pivertistes
perpignanais il eut, notamment, l’occasion d’assurer le transport par camion de dix tonnes d’obus vers la ville
espagnole de Puigcerdà par les routes de la Cerdagne française. La dernière action du comité perpignanais du « Continental-Bar », à laquelle Sors fut associé en janvier 1939, fut de récupérer dans la montagne cinq
dirigeants du POUM tout juste sortis des prisons de Barcelone dans lesquelles ils étaient enfermés depuis l’été 1937, leur évitant ainsi l’internement dans les camps des plages roussillonnaises. Après l’exclusion de la
Gauche révolutionnaire du Parti socialiste SFIO au congrès national de Royan (juin 1938), Léon Sors adhéra au
PSOP au sein duquel il milita jusqu’à la dislocation de ce parti, en 1939. En octobre 1938, il fut certes « munichois », mais pacifiste convaincu il avait par ailleurs des convictions antifascistes solides qui le
prémunirent, pendant la Seconde Guerre mondiale, de toute dérive maréchaliste ou collaborationniste. Pour
l’inspecteur d’académie de Perpignan qui rédigea un rapport sur Sors pour le secrétaire d’État à l’Éducation
nationale à Vichy (2 septembre 1940), il s’était « associé à toutes les manifestations légales ou illégales de la
CGT et du Front populaire. Homme de caractère, énergique et obstiné, (…) Monsieur Sors, en effet, qui n’est ni
communiste, ni socialiste orthodoxe, semble assez voisin par ses tendances des anarcho-syndicalistes
espagnols » (à ce propos, l’IA confondait la CNT et le POUM et ignorait son affiliation antérieure à la GR et au
PSOP).
Avant et après l’unité syndicale (1935), Léon Sors milita très activement au SNI. L’IA de Perpignan le
considérait, en septembre 1940 comme ayant « été l’animateur et l’inspirateur [de l’action syndicale parmi les
enseignants] dans ce département ». Il fut élu trésorier départemental du SNI le 12 décembre 1929, (furent également élus : Gaudérique Sola* secrétaire ; Vilar, instituteur à Saleilles et Léa Soubielle, institutriceà Rivesaltes, secrétaires adjoints ; Mlle Llong, institutrice à Elne, trésorière adjointe). Il devint en 1933 le
troisième secrétaire de la section départementale du SNI des Pyrénées-Orientales après Victor Gruat* et
Gaudérique Sola*. Il le demeura jusqu’en 1940. Après l’unité syndicale, il fut favorable aux thèses des Amis de
L’École émancipée. Par ailleurs conseiller départemental dès 1935 — avec, entre autres, en 1936 Élise
Berjoan*, Mlle Pull et Thibaut —, il fut un secrétaire syndical énergique qui s’impliqua à fond dans tous les
aspects de la vie syndicale. Attentif aux problèmes corporatifs et défendant les intérêts de chacun des adhérents
du SNI, il acquit bientôt une influence considérable parmi ses collègues. Il impressionnait beaucoup Lucette
Justafré* jeune institutrice qui l’admirait et lui conserva jusqu’à sa mort une grande estime. Ses collègues
appréciaient sa fermeté et son audace. La campagne qu’il mena en 1936 contre l’inspecteur d’académie Ferrère
(articles « Après la victoire, il faut que ça change », Bulletin syndical, n° 4 ; « Réponse à M. Ferrère », Bulletin
syndical, n° 5, 1936) les impressionna. Près de cinquante ans plus tard, en 1983, Aimé Delmas*, admiratif, se
souvenait encore qu’il osait « tenir tête aux inspecteurs d’académie ». Pacifiste, Léon Sors, officier du cadre de
réserve jusqu’au 20 février 1933, il dut, à partir de 1938, affronter les enseignants adhérant au Parti communiste
qui l’accusaient, au même titre que les dirigeants nationaux du SNI d’être « munichois ». François Marty,
instituteur communiste, le critiqua vertement dans le numéro du 24 juin 1939 du Travailleur catalan,
hebdomadaire du Parti communiste. C’est dans le cadre de ses responsabilités syndicales que Léon Sors
s’investit à fond dans le Comité départemental d’accueil des enfants d’Espagne. Joseph Berta* secrétaire de
l’UD-CGT lui suggéra dès le 11 décembre 1936 de prendre en charge la présidence de cette organisation qu’il
fallait créer et animer. Avec l’appui de Félix Mercader* l’un des promoteurs de la colonie de vacances des
Jeunesses laïques et républicaines (JLR) La Mauresque à Port-Vendres le comité put accueillir des enfants
espagnols repliés, obtenir le détachement d’instituteurs qui épaulèrent des collègues espagnols et leurs et l’un
des promoteurs de La Mauresque, l’un des premiers centres d’accueil aux enfants de l’Espagne républicaine fut
l’objet de nombreuses visites. En contact permanent avec Georges Lapierre* instituteur de la Seine et président
du Comité pour l’ensemble de la France, Sors fut constamment sur la brèche ; accueillant les enfants à la gare
frontière de Cerbère, se rendant à la Mauresque, assurant les liens avec d’autres comités en France, en
particulier celui de la Haute-Garonne. Sors s’occupa d’un second centre d’accueil d’enfants espagnols, celui de
Prats-de-Mollo (Voir Roig François*) et celui de Banyuls-sur-Mer. Même si cette action avait l’appui de la
préfecture, le directeur de l’école normale lui fit remarquer en janvier 1937 qu’il avait sollicité à trois reprises
une autorisation d’absence d’une demi-journée afin de prendre en charge les enfants espagnols suggérant qu’il
ne devait pas abuser de ce prétexte. Pourtant, il assumait toujours sans problème es obligations professionnelles,
ne négligeant aucunement ses élèves Après la Retirada, Sors se dépensa sans compter avec d’autres collègues
syndicalistes comme Lucette Justafré* afin de faire sortir des camps des plages roussillonnaises des enseignants
espagnols ou, du moins, leur venir en aide. Sors assista ave Lucette Justafré*, Simone Mayneris, épouse de
Marcel Mayneris*, et Mlle Salvat au congrès national du SNI de Nantes (4-7 août 1938). Enfin, Léon Sors fut
l’organisateur, parmi les enseignants, de la grève générale du 30 novembre 1938 contre les décrets lois du
gouvernement Daladier. Ce mouvement qui se solda par un échec du fait, entre autres, de la réquisition des
fonctionnaires, lui fut reproché, nous l’avons vu, par les autorités vichyssoises. Dans l’immédiat, il fut
sanctionné par une retenue de huit jours sur son traitement de décembre 1938.
Léon Sors s’impliqua à fond dans la dynamique du rassemblement populaire. Il fut l’un des organisateurs— « un des principaux inspirateurs », écrivait l’IA le 2 septembre 1940, un « des organisateurs de la riposte
ouvrière et républicaine des Pyrénées-Orientales à la tentative fasciste de coup d’État fasciste, grève du 12
février 1934, 14 juillet de 1934 et 1935 …. » ainsi que le rappela Lucette Justafré* à ses obsèques, en janvier
1951 — dans les Pyrénées-Orientales. Sa participation à des grèves « illégales » (1934 et 1938) lui fut
reprochée en août et septembre 1940 et fut l’un des motifs de sa mutation d’office dans le Gard. Secrétaire du
comité départemental de Front populaire en 1936, après Georges Rives*, il, fut à ce poste, particulièrement
actif. Sors, était conscient de l’importance de cette fonction, surtout après la victoire électorale du Front
populaire. Il fut, le 14 juin 1936, au centre de la grande manifestation qui, place de Catalogne à Perpignan,
rassembla au pied du monument à Jean Jaurès, de quinze à vingt mille personnes. Il déclama successivement
L’Ode à Jaurès et L’Ode aux morts de mon pays du poète perpignanais Albert Bausil textes qui avaient été popularisés lors du rassemblement organisé lors l’inauguration de ce monument le 31 juillet 1921. Ayant
formulé une demande d’autorisation d’absence afin de se rendre, en janvier 1937, à Paris à une réunion du
Rassemblement populaire, Sors s’opposa au directeur de l’école normale et à l’IA qui refusaient de la lui
accorder prétextant les trois autres demi-journées déjà obtenues afin de s’occuper des enfants espagnols
réfugiés dans le département et des délais trop brefs dans lesquels elle avait été formulée. Il alla jusqu’à demander une audience au préfet du département et exigea aussi de ses supérieurs qu’il lui retourne par écrit le
motif de leur refus. Le 14 février 1937, il présida en sa qualité de secrétaire du comité départemental du Front
populaire un meeting à Perpignan dont le principal orateur était Albert Bayet*, un universitaire de renom,
président de la Ligue de l’enseignement et militant de la Ligue des droits de l’Homme. Léon Sors, du fait de
son appartenance à la GR puis au PSOP, se marginalisa politiquement aussi bien vis à vis de la SFIO que du
PC. Le délitement progressif du Front populaire donna moins d’importance aux structures unitaires et explique
son repli sur les structures syndicales, le SNI en particulier où son influence demeura considérable jusqu’en
1940.
En août 1940, militant syndicaliste, il affronta encore l’inspecteur d’Académie afin de défendre son collègue
pivertiste Jean Canal* révoqué de ses fonctions pour des raisons d’ordre purement professionnelles. Il déclaraà l’IA qui n’apprécia pas : « Si quelqu’un doit être frappé, c’est moi ». Il refusa, au cours de cette entrevue, d’« adhérer loyalement au mouvement de rénovation nationale dirigée par M. le maréchal Pétain » (…) « Il a
même ajouté d’autres considérations, parlant de la reprise éventuelle du pouvoir par les siens (les socialistes
probablement) ». Il manifestait « sans timidité » (.. .) « un esprit de bravade à l’égard du gouvernement ». Il fut
donc d’emblée résolument hostile à Vichy. Sa nomination d’office à Nîmes fut pour Sors à la source de nombreux problèmes. Nommé à titre provisoire,
peu de temps avant la rentrée des classes, il ne disposait pas de logement de fonction. Sa femme et ses deux
enfants les plus jeunes scolarisés à Perpignan demeurèrent dans cette ville. Ses problèmes de santé causés par
ses blessures de guerre mal cicatrisées s’aggravèrent. Dans un premier temps, à la rentrée de 1940, sa fille
cadette, élève de 4e fut privée de bourses. Le 9 mars 1941, ne supportant pas les services centraux du ministère
se soient « vengés sur mon enfant, de mon quatrième enfant, de je ne sais quel crime commis par le père », il
demanda une entrevue à Pétain, demande qui alerta ses supérieurs. Sa femme écrivit à l’IA et même au
maréchal Pétain, le 26 octobre 1941, essayant de mettre en avant les injustices dont était victime son mari qui
n’était pas seulement frappé d’une mutation d’office mais était aussi victime d’une rétrogradation de fait.À cette date, cependant, tous ses enfants, sauf sa fille aînée institutrice intérimaire, étaient boursiers, ce qui montre
que sa démarche avait abouti. Dans un rapport annexé à un courrier adressé le 22 juillet 1942 au ministre de
l’Éducation nationale, l’IA de Perpignan remarquait que Sors a été pendant presque toute l’année scolaire
précédente en congé de maladie qu’il passa à Perpignan. Sors, écrivait-il « ne parait pas avoir abdiqué ses idées
anciennes et considérerait sa réintégration dans les Pyr.Or. [Qu’il avait demandée et que considéraient avec
faveur l’IA de Nîmes et le ministre] comme une victoire due à son action et non comme une indulgence de son
administration dans les Pyr. Or. Il proposait que Sors fût muté comme adjoint à Montpellier ou Toulouse ce qui
satisferait aussi à ses souhaits. Mais cette recommandation ne fut pas suivie d’effet. L’IA du Gard, Zanetto,
dans une lettre du 1er septembre 1941 au secrétaire d’État à l’Éducation nationale, réfutait ses griefs et le
jugeait sévèrement : « M. Sors est un bon maître, mais il n’est pas le seul. Prétentieux et de caractère difficile il
essaie d’utiliser la sanction qui l’a frappé pour obtenir une direction d’école en compensation. C’est incorrect ».
En effet, le seul problème de l’administration scolaire avec Sors résidait dans ses excellentes notes et références
professionnelles. Sa carrière n’avait jamais révélé la moindre faille. Quand, au bout du compte, sa nomination
provisoire à la direction de l’école de la Croix de fer devint définitive, il ne put bénéficier de son logement de
fonction car celui-ci fut réquisitionné par les troupes d’occupation. L’état de santé général de Sors, démoralisé,
se détériora. Lucette Justafré* estimait en 1983 que Sors avait participé à la Résistance dans le Gard. Rien, dans
les archives, ne vient étayer de point de vue.
La Libération des Pyrénées-Orientales lui permit de récupérer, à la rentrée de 1944, son poste d’adjointà Perpignan. Le 11 septembre, le CDL présidé par son collègue Camille Fourquet* donnait un avis favorableà son retour à Perpignan et le préfet du Gard régularisa la situation en accordant l’exeat le 25 octobre.
Comme la plupart de ses amis pivertistes du département, Léon Sors adhéra au PCF dès son retourà Perpignan. À l’occasion des premières élections au Conseil de la République (24 novembre et 8 décembre), il
fut candidat du PCF. Il figurait sur la liste pour l’élection des grands électeurs sur la liste d’un secteur du canton
de Perpignan-est conduite par Léon Bourrat*. Il semble avoir abandonné toute activité politique après 1948.
Sors milita à nouveau dans les rangs du syndicalisme enseignant. Il adhéra dès sa fondation au Syndicat unique
de l’Enseignement des Pyrénées-Orientales (SU) qui avait l’ambition de se substituer aux syndicats catégoriels.
Il siégea au conseil syndical et était, dès la fin de 1944, secrétaire du SU. Lors de la réunion du conseil national
(CN) du SNI à Paris, les 18-19 juillet 1945, président de la première séance consacrée aux affaires corporatives,
il se montra partisan d’un syndicat unique de tous les ordres d’enseignants au sein de la Fédération de
l’enseignement dans la CGT. Le 21 mars 1946, lors d’une assemblée générale, il abandonna le secrétariat départemental du SU (décision ordonnée par le corps médical, mention lue dans les archives du SNI et du SU)
et fut alors remplacé par Ferdinand Baylard*. Il quitta le SU (et, en conséquence le SNI) après que la FEN eut
décidé de passer dans l’autonomie, à la suite de la scission de la CGT-FO. Lucette Justafré* écrivit, dans la
nécrologie qu’elle rédigea après ses obsèques, que « rien ne put lui [Sors] lui faire excuser la scission, et toutes
nos démarches auprès de lui se heurtèrent à une résolution irréductible ». « Cependant », ajoutait-elle, reprenant
une phrase de Maurice Sors* son homonyme devenu secrétaire de section départementale du SNI, prononcéeà la sortie du cimetière « n’y était-il pas toujours resté ? ».
Léon Sors, moralement éprouvé par son exil nîmois, de plus en plus diminué par les séquelles de ses
blessures de guerre de plus en plus douloureuses, n’était plus tout à fait le même. Aimé Delmas* et Lucette
Justafré* ont confié, plus tard (1983) que lui, précédemment si sobre s’était mis à boire. Une grippe sévère
l’emporta prématurément. Ses obsèques eurent lieu dans la plus stricte intimité au cimetière Saint-Martin de
Perpignan. Seule une poignée de proches militants du SNI furent autorisés par la famille à assister à ses
obsèques. Aimé Delmas* rappela cependant son passé de « militant syndical irréprochable ». Lucette Justafré* écrivit dans le Bulletin syndical du SNI un article, « Adieu à Léon Sors », où elle évoqua avec émotion un
militant à qui elle devait tant, non sans rappeler qu’il avait adhéré au PCF à la Libération.
SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, série M non classée, vers. du cabinet du préfet du 13 septembre
1951, liasse 177 ; 1563 W 75, dossier professionnel ; 129 W 1, enseignants, 1940-1945 ; 1 R 527, f° 1244.— Arch. com. Perpignan, acte de naissance et mention marginale ; acte de décès. — Arch. du SNI des Pyrénées-Orientales consultées en juillet 1984 chez Michel Ribera, instituteur retraité. — Arch. privées de Lucette
Justafré*. — Le Travailleur catalan, 20 février 1937, 24 juin 1939. — André Balent, notice « Sors Léon » du
DBMOF. — Michel Cadé, « Il y a quarante ans, le Front populaire... », Le Travailleur catalan, 3 décembre
1976. — Michel Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales 1920-1939, Marcevol, Éditions du Chiendent, 346 p. [en particulier, p. 213]. — Maurice Jaquier,
Simple militant, Paris, Denoël-Lettres nouvelles, 1974, 357 p. [pp. 126-142, 163-164]. — Entretiens avec
Ferdinand Baylard*, Fernand Cortale*, Perpignan, 11 octobre 1974 ; Aimé Delmas* , Perpignan, 26 mars
1983 ; Lucette Justafré*, Ille-sur-Têt, 5 octobre 1983 ; Robert Marty*, Canet-en Roussillon, 19 janvier 2012 ;
Marcel Mayneris*, Perpignan, 2 juillet 1983. —Note de Jacques Girault.
André BALENT